Contexte

Quels sont les liens entre circulation océanique et biodiversité marine ?

La dynamique des masses d’eau affecte à la fois la disponibilité des ressources telles que les nutriments et la lumière mais aussi la distribution des organismes.

De nombreuses questions naissent à propos des échelles spatio-temporelles à prendre en compte pour étudier l’étroit couplage existant entre la physique de l’océan et les organismes qui y  vivent. 

Toute la complexité de cette étude réside dans le caractère éphémère et dynamique à la fois des phénomènes physiques se mouvant dans le temps et l’espace et des organismes biologiques soumis aux lois du vivant. L’océan possède une forte caractéristique tourbillonnaire avec une variabilité spatio-temporelle conséquente. On parle de «fines échelles océaniques» (0 -100km) regroupant des phénomènes physiques tels que la formation/disparition de tourbillons ou de fronts.

Quant aux organismes, de nombreux mystères demeurent sur le comportement de leur communauté au sein de l’océan. Si l’on considère le phytoplancton (plancton photosynthétique de l’ordre du micro ou millimètre), un paradoxe est visible sur une très grande partie de l’océan: comment une telle diversité d’espèces peut-elle régner face au peu de ressources disponibles ? Comment tant d’espèces différentes peuvent-elles coexister en contradiction avec le principe d’exclusion compétitive ? C’est le paradoxe du plancton.

Plusieurs hypothèses ont été émises face à ce paradoxe. 

La notre est la suivante : la diversité est maintenue par les structures physiques de fines échelles. 

Les problématiques sous-tendant cette hypothèse sont les suivantes : 

Quelles sont les spécificités associées aux fines-échelles? 

D’un point de vue physique cette question connaît déjà des réponses. Prenons un front (zone séparant deux masses d’eau aux caractéristiques physiques différentes : température, salinité, densité différentes), de forts gradients de vorticité potentielle sont observés de part et d’autre. Cela a 2 effets importants : 

(1) le front constitue une barrière contre le transport de particules, 

(2) le front constitue une zone présentant des courants verticaux intenses (figure ci-dessous). 

D’un point de vue biologique cela amène de nouvelles problématiques :

– Comment ces spécificités physiques des fines-échelles contrôlent les communautés de phytoplancton?

L’effet (1) a déjà été observé : de part et d’autre d’un front on retrouve des distributions bimodales des communautés de phytoplancton. Il y a des différences marquées dans les abondances pour la plupart des groupes de phytoplancton (définies par cytométrie) mais pas de la même façon en fonction du groupe (Tzortzis et al 2021). On a donc un forçage physique à la fois quantitatif sur le nombre de cellule et qualitatif sur la diversité des communautés. Cependant l’effet (2) en raison du manque de données expérimentales n’a pas encore été observé. Ce qui nous amène à la question suivante :

– Au sein même du front, les abondances et la diversité observées sont-elles le résultat d’un mélange entre la composition de la masse d’eau A et la masse d’eau B ou bien le résultat des propriétés intrinsèques au front (ex: apport de nutriments via des courants verticaux ascendants = front divergent) qui permet la formation d’une véritable communauté ? Autrement dit, les courants verticaux associés au front ont-ils un lien avec la biodiversité phytoplanctonique observée dans le front ? (figure ci-dessous)

Des méthodes permettant de répondre ou de mieux comprendre ces problématiques sont mises en place en adoptant une stratégie lagrangienne adaptative, c’est-à-dire que l’on étudie les phénomènes à la fois physiques et biologiques en les suivant dans le temps et l’espace.

Différents outils permettent de répondre à cela:

1. Les observations satellites: fournissent des cartes de surface de température, salinité, chlorophylle, et aussi de vitesses horizontales.

2. Les observations in situ qui fournissent des données qualitatives et quantitatives de la région étudiée au moment étudié le long de la trajectoire du navire. Principalement nous utilisons un cytomètre qui mesure à haute fréquence le phytoplancton (abondance + groupe). Et pour la physique nous avons des instruments mesurant à haute fréquence la température et la salinité (en surface et en profondeur), ainsi que les vitesses (horizontale et verticale) des courants.

3. Les simulations numériques: créent des données numériques du phytoplancton et des courants. Cela permet donc d’avoir un point de vue plus théorique des phénomènes que l’on cherche à étudier.

Glossaire:

Population : ensemble des individus appartenant à la même espèce

Communauté : ensemble des populations d’une région donnée

NB: on parle de «groupe» lorsqu’on cherche à identifier ces communautés à l’aide d’un instrument de mesure par «clusterisation» tel que le cytomètre. Autrement dit, par cytométrie on identifie différents groupes de phytoplancton caractérisant les différentes communautés présentent. Cependant (exceptés certains cas) le groupe cytométrique ne s’apparie pas à la population car on

ne distingue pas l’espèce.

Espèce : ensemble d’individu se ressemblant génétiquement

Par exemple, par cytométrie on identifie 3 groupes de phytoplanctons dans une masse d’eau : Synechococcus Nanophytoplancton, et Microphytoplancton.

Les synechococcus sont une espèce bien défini, on a donc une population de synechococcus dans cette masse d’eau et 2 autres groupes connus contenant plusieurs espèces inconnus. La communauté est donc composé d’un population de synechococcus, d’un groupe de Microphytoplancton et d’un groupe de Nanophytoplancton.

Biodiversité : variété des organismes vivants (ici variété phytoplanctonique) et de leurs interactions au sein d’une population, d’une communauté, ou d’une espèce. « c’est la vie, dans ce qu’elle a de divers ». (Robert Barbault, écologue)

Vitesse verticale : 3eme composante du champ de vitesse. Peut être positive (mouvement ascendant) ou négative (mouvement descendant).

Vorticité : rotationel du champs de vitesse

Front divergent : front possédant des vitesses verticales positives

Front convergent : front possédant des vitesses verticales négatives

Campagne SWOT : (https://www.odatis-ocean.fr/actualites/campagnes-synchrones-en-mediterranee)


Enjeux : modéliser les flux de phytoplanctons à travers les données de satellite et les données recueillies en mer